Utilisez ces 10 critères pour savoir si vos bureaux sont agiles
Éric Siesse (BNP Paribas Real Estate) dévoile en exclusivité une grande étude sur les bureaux agiles.
Flex office, bureau dynamique, réversibilité… Derrière ces notions parfois absconses se cachent une tendance très profonde de l’immobilier de bureau : la volonté des utilisateurs de bénéficier d’environnements de travail agiles et adaptables à leur métier et leur projet d’entreprise. Un véritable défi pour les professionnels de l’immobilier, sommés de faire (mieux) matcher les nouveaux usages et les espaces de travail.
Éric Siesse, directeur du Pôle Bureaux Location Île-de-France de BNP Paribas Real Estate, publie à l’occasion du Simi une étude exclusive sur les bureaux agiles, menée auprès d'une quarantaine d'experts les plus en pointe sur le sujet (directeurs immobiliers, DRH, experts…). Il a répondu aux questions du Mag et dévoile les 10 critères qui font un bureau 100% agile.
Bureau Veritas : L’agilité semble être sur toutes les lèvres…
Eric Siesse : Oui c’est vrai. Et pourtant s’agissant des bureaux elle est loin d’être concrétisée. Il existe encore un fort décalage entre la demande et l’offre immobilière existante. On peut estimer sur la base des dix critères que nous avons définis (ndlr : voir ci-dessous) que moins de 5 % du parc de bureaux français peut être défini comme 100 % agile.
B.V. : Pourquoi cette « manie » de l’agilité ?
E.S. : Plaçons-nous du côté de la demande. Toutes les entreprises ont connu la révolution digitale. Elle a provoqué une transformation culturelle et comportementale sans précédent parmi leurs collaborateurs-utilisateurs. Ceux-ci rêvent comme jamais auparavant de pouvoir consommer l’immobilier comme un service à la demande.
Cela veut dire plusieurs choses : on veut d’abord des espaces réservables à l’heure ou à la journée. On ne veut plus rester à son poste de travail, on veut pouvoir travailler de n’importe où, ce qui a des conséquences en termes d’équipements, avec des prises RJ 45 pour connecter son ordinateur ou des amplificateurs wifi.
On veut disposer de différents types d’espaces, qui répondent aux besoins-types d’une journée de travail : se concentrer, travailler en équipe, téléphoner, se détendre etc. On veut, enfin et surtout, des espaces immédiatement praticables, personnalisables, modulables à sa guise, ce qui implique d’imaginer des mobiliers qui bougent et des salles qui peuvent changer de dimension, avec par exemple des cloisons amovibles.
C’est simple : pour répondre aux besoins d’aujourd’hui et de demain, les bureaux se doivent d’être véritablement « user-friendly » et « user-centric ».
B.V. : Quand on pense bureaux agiles, on pense aussitôt « flex office »…
E.S. : A mon sens, c’est une erreur à ne plus commettre. L’agilité dépasse de loin cette notion originelle un peu « brute », qui désigne une organisation sans postes de travail individuels fixes. Dans les faits, tous les dirigeants que nous avons interrogés et qui pratiquent les bureaux non-attribués insistent sur l’importance de recréer des territoires, des repères. En outre, le flex-office pour tous n’est pas forcément adaptée à toutes les populations d’une entreprise, l’agilité consiste précisément à agir en s’adaptant aux situations et aux publics.
B.V. : Qu’en est-il des dirigeants ?
E.S. : Les dirigeants exigent des lieux de travail qu’ils prennent la forme de leur stratégie et de leur vision d’entreprise. Ils doivent absorber leurs contraintes RH, business, RSE... Ce sont désormais les bureaux qui s’adaptent à l’entreprise, plutôt que l’inverse. C’est un changement de paradigme immense pour l’immobilier tertiaire.
Avant le bureau était privatif et exclusif, réservé aux seuls collaborateurs. Aujourd’hui le bureau doit être ouvert à toutes les parties prenantes, clients, partenaires etc. il devient donc un outil commercial et une vitrine, autant qu’un espace de travail. Cette vitrine doit pouvoir prendre la forme de l’évolution de l’entreprise, c’est cela que nous demandent les dirigeants.
B.V. : Justement, comment les professionnels qui conçoivent et possèdent les bureaux doivent-ils répondre à ces demandes ?
E.S. : La course est lancée pour les professionnels, avec sans aucun doute une prime aux premiers. Car l’enjeu en termes de création de valeur est gigantesque. Les bâtiments qui sauront répondre au spectre le plus large de besoins actuels et futurs, gagneront de la valeur avec le temps, tandis que les biens non-adaptables en perdront. Il ne faut pas se tromper car un bien qui sort aujourd’hui est là pour plusieurs décennies.
Puisqu’on ne sait rien de l’avenir, ou pas grand-chose, il faut limiter au maximum les contraintes, afin de laisser les utilisateurs libres. La valeur des bâtiments sera indexée sur sa capacité à répondre à l’incertitude. L’investissement dans un lieu de travail agile est en fin de compte une assurance qu’on est heureux de payer pour se prémunir face à l’imprévisibilité des temps.
B.V. : Et concrètement, demain, à quoi ressembleront donc les bureaux agiles ?
E.S. : Il serait hasardeux d’essayer de trancher entre différents scénarios, mais j’en anticipe déjà trois. Ils pourront s’apparenter à des mécanos entièrement modulables, équipés de desks et de cloisons mobiles, extensibles ou redimensionnable à souhait. Mais aussi prendre la forme de plateformes fluides intégrant des acteurs nouveaux (partenaires business, start-ups, salariés « intermittents ») ou des technologies encore inconnues aujourd’hui. Enfin, à des objets mixtes, ouverts sur la ville, partageant leurs flux d’énergie avec les logements voisins, allant jusqu’à partager leurs espaces de restauration ou de stationnement avec le voisinage.
Votre bureau est agile s’il est…1. MODULABLE *Les deux précédentes éditions Watch Out s’étaient intéressées respectivement à la net économie et aux services innovants dans les bureaux. |